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- Victoria AMBROSINI (Docteure de l’EHESS en histoire et théorie de l’art), La subversion du kitsch dans l’art contemporain au Moyen-Orient, 2000-2014

 

La subversion du kitsch réside dans une opposition entre le beau et un contenu critique ou dramatique et concerne une remise en question politique du régime, de sa violence et de la guerre, civile ou régionale. Ancrées dans une référence au peuple, les pratiques artistiques qui nous intéressent ici, semblent en effet toujours contenir une dimension politique. On peut ainsi se demander quel type de relation les œuvres engendrent vis-à-vis du peuple et dans quelle mesure la défense de ce dernier se trouve dissociée d’un tête-à-tête conflictuel avec l’État. Examinons donc les différentes modalités de l’engagement des artistes, contre la bourgeoisie et le conformisme social, la violence et les dictatures du Moyen-Orient.

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​​​​- Valérie ARRAULT (Art, Montpellier III), La transfiguration du kitsch en business model

 

Si le kitsch est un état d’esprit [Moles, 1971] s’incarnant dans une esthétique, il procède de processus de création qui lui valent aujourd’hui d’être un business model. Puisant aux sources d’une culture populaire, ses productions se renouvellent par procédé d’hybridation fondé sur la contamination, la transversalité, le syncrétisme, l’éclectisme et le relativisme. Sa règle d’être sans règle et sans état d’âme, le rend très plastique, fluide, flexible à l’image de l’idéologie du libéralisme sans tabou, déliée de tout principe qui pourrait entraver son projet. L’étude des processus de création de design d’objets religieux (Lourdes) et de certaines productions de Pierre et Gilles, que l’on retrouve à l’œuvre dans l’industrie du tourisme telle qu’elle apparaît dans la série photographique Fake holidays de Reiner Riedler, permettra d’identifier une homologie structurale entre une esthétique qui plait à tout le monde et l’actuel règne idéologique. Le kitsch honni d’autrefois connaît depuis plus de deux décennies une véritable transfiguration. 

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​​​​​​​​​​​​​​​​​​ - Evangelos ATHANASSOPOULOS (Art, chercheur associé, Paris 1), L'idéologie culturelle

 

Informée par The Idea of Culture de Terry Eagleton, cette intervention vise à prolonger la réflexion menée dans « Kitsch et académisme », autour de la question du relativisme culturel.

 

Partant de trois approches différentes du kitsch (comme critère d'évaluation, comme catégorie stylistique et comme principe opératoire), il s'agit d'adresser les implications idéologiques qui surgissent à l'endroit de la contradiction suivante : si d'une part le notion de kitsch peut être associée autant à la culture bourgeoise qu'à ce que cette dernière exclue comme subalterne, elle se donne comme un des vecteurs par excellence du relativisme culturel et du glissement concomitant, au niveau idéologique, du social vers le sociétal ; or, d'autre part, le fait même de la consécration du kitsch en tant qu'objet d'étude – voire, souvent, comme culture officielle – et la reconnaissance en celui-ci d'une certaine forme de réflexivité et/ou de pouvoir subversif, implique la réactivation d'une attitude évaluative qui est appelée à prendre acte autant de la liquidation des critères hiérarchiques que de la nécessité d'élaborer des outils de distinction adaptés à l'état actuel de la culture.

 

 

 

- Pierre BEYLOT (Etudes cinématographiques et audiovisuelles, Bordeaux Montaigne), L'humour kitsch au cœur du cinéma postmoderne.

 

Il s'agira d'analyser les formes de distanciation ironique et de détournement des codes qui caractérisent le cinéma contemporain. Mon terrain d'étude se concentrera essentiellement sur les films de Wes Anderson et des frères Coen.

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​​​- Nelly BLANCHARD (Etudes celtiques et littérature bretonne, UBO), Kitschiser le passé pour naître nationalement : étude sociolittéraire de l’évolution des acteurs de la littérature de langue bretonne de l’entre-deux-guerres

 

Si l’usage actuel de l’image de la Bretagne à des fins touristiques et marketing - alliant des éléments relevant du typique et d’autres symbolisant la modernité - peut laisser penser que ces deux aspects ont toujours évolué de pair, il n’en est rien. La littérature bretonne de l’entre-deux-guerres est devenue le creuset et l’enjeu d’un rejet radical des productions des siècles précédents : mépris pour la littérature orale populaire perçue comme dépassée, délittérarisation de la littérature religieuse considérée comme inintéressante et folklorisation de la littérature de l’emsao régionaliste (premier mouvement breton). La littérature sert alors au nationalisme breton à s’affirmer comme moderne et nouvelle par kitschisation, donc délégitimisation, de la littérature des acteurs précédents du domaine.

Dans cette intervention, je propose d’observer la manière dont circulent ces nouvelles valeurs d’exclusion et se manifeste cette stratégie culturelle et politique, dans les mots et les textes, et par l’analyse sociolittéraire de l’évolution de la place – donc des pouvoirs réels et symboliques - des acteurs de l’espace littéraire breton entre 1914 et 1939.

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- Jørn BOISEN (Littérature, Copenhague), Le mineur, le mauvais et le mal - Milan Kundera et le kitsch

 

Milan Kundera définit le genre romanesque comme une exploration ou questionnement de situations existentielles. Parmi les différents thèmes, le kitsch se distingue. En général, l’attitude de Kundera est sceptique ironique et, avant tout, paradoxale : toute chose humaine contient en germe le début de sa propre destruction, semble-t-il dire. Or le kitsch jouit d’une faveur spéciale ; il est, a priori, considéré non seulement comme de l’art (très) mineur ou de mauvais goût, mais plutôt comme un mal métaphysique. Avec ces prises de position, Kundera sa place dans une tradition qui compte entre autres Herman Broch et Hannah Arendt. Or, plutôt que de faire œuvre de comparatiste, il faut interroger les fondements de cette attitude : quel est, en fin de compte, le problème du kitsch ? Le mauvais goût en matière d’art est-il une question d’éthique ?

L’hypothèse qui sous-tend cette communication est que la question du kitsch, aux yeux de Kundera, dessine en creux tout ce qui fait la valeur du genre romanesque. »  

 

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- Brice CHAMOULEAU (Espagnol, Paris VIII), Kitsch-camp et mémoire queer en Espagne

 

Cette communication explorera les rapports entre le kitsch et le camp, reversés dans les enjeux mémoriels queer en Espagne. Il s’agira de s’interroger sur les usages de ces champs esthétiques dans la description des subjectivités queer de l’Espagne des années 1970, en particulier quant à leurs rapports à la “culture de la transition” espagnole qui consacre la bonne marche de la démocratisation post-franquiste.

 

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- Alberto DA SILVA (cinéma brésilien, Paris IV), Les enjeux entre kitsch et genre dans les représentations de la ville de Recife (Brésil)

 

Étroitement lié depuis toujours à la culture populaire, le kitsch se manifeste aussi dans la société brésilienne. Alors que cette esthétique influençait la musique et la télévision, les cinéastes brésiliens puisèrent dans le kitsch d’importantes possibilités pour se rapprocher du public (les chanchadas, comédies musicales des années 1940 et 1950), mais également un moyen pour repenser le politique à certains moments-charnière de l’histoire brésilienne, comme la période de la dictature civile-militaire (avec le Tropicalisme et le Cinéma Marginal). Plus récemment, les programmes sociaux mis en place pendant les années Lula ont permis la constitution d’une nouvelle « classe émergente », alors que d’autres possibilités de représentations dans la musique, la télévision, mais également au cinéma faisaient également leur apparition. Pour cette communication, nous proposons d’analyser le film Amor, plastico et barulho (Amour, plastique et bruit – 2013) de Renata Pinheiro, un film produit et réalisé dans l’État de Pernambouc, l’un des Etats brésiliens qui s’impose avec une importante production cinématographique des années 2000. Dans ce film, la réalisatrice nous plonge dans l’univers des périphéries de Recife, à travers les rêves et les désespoirs de Shelly et Jaqueline, deux danseuses/chanteuses d’un groupe de musique dite brega (« kitsch »). Dans sa mise en scène, Renata Pinheiro adopte l’esthétique kitsch pour nous rapprocher de l’univers de ces personnages et révèle toute la complexité des rapports sociaux de classe et race dans la société brésilienne.

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- Miguel EGAÑA (Arts plastiques, Paris I Panthéon Sorbonne), Du Kitsch Critique ? Le cas de Présence Panchounette

 

Il s’agira ici d’interroger cette formule aussi aporétique qu’improbable à propos du groupe Présence Panchounette, auquel elle semble s’appliquer parfaitement ; on peut y lire en effet la rencontre tout-à-fait singulière (unique dans le champ contemporain) entre un discours idéologique issu d’une tradition ultra critique (dadaïsme, situationnisme...) et un langage esthétique revendiquant le “chounette” (le “kitsch” version Sud-Ouest), le ringard, l’art des gens ordinaires, etc., contre les avant-gardes instituées : en gros, la position d’un lecteur de Greenberg qui assumerait délibérément (et violemment) son appartenance à l’”autre camp”; dans le débat très actuel sur le “populisme” versus les élites, l’aventure de Présence Panchounette pourrait être repensée comme une esthétique “populiste”, dans laquelle le ”kitsch” jouerait le rôle de représentant artistique des “petits, des sans-grades”..., contre l’art des élites incarné par l’Avant-garde (en particulier institutionnelle).

 

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​​​- Bernard GENTON (USA, Strasbourg) : Les séries américaines : l’invention du kitsch politique ?

 

Dans un article célèbre publié en 1948, le critique américain Irving Howe affirmait que les films hollywoodiens, incarnation principale selon lui de la culture de masse, entretenaient un « rapport psychologique puissant avec nos vies ». Pourtant, disait-il, si ces mêmes films nous stimulent de diverses manières, ils nous interdisent l’accès aux profondeurs, c’est-à-dire au réel dans toute sa complexité et son épaisseur. La présente démarche est un essai : peut-on réactiver les concepts et les analyses de critiques culturels comme Irving Howe ou Dwight Macdonald face à cette nouvelle forme de culture de masse que constituent les séries télévisées ? Leurs arguments restent-ils pertinents pour mesurer les effets globaux de certaines productions américaines récentes, par exemple celles qui ont choisi le politique comme thématique principale ? On pense à House of Cards, Homeland, Game of Thrones, ou The Americans, mais aussi à certaines entreprises un peu plus anciennes comme The West Wing, Veep ou The Wire. Plus ou moins élaborées, ces séries ne construisent-elles pas de manière cumulative une sorte de kitsch politique, c’est-à-dire une image à la fois flatteuse (parce qu’intéressante), facile et faussée d’une réalité qui nous concerne tous ? Ce kitsch politique, s’il existe, contribue-t-il  à susciter une aliénation comparable à celle que déploraient en leur temps Howe et Macdonald ? 

 

 

 

- Jean-Philippe IMBERT (genre, Université de Dublin), Drag queen irlandaise et dérision queer : Panti, campagne politique et polémique du mariage pour tous

 

Le 22 mai 2015, l'Irlande devient le premier pays au monde à autoriser le mariage homosexuel par voie de référendum. Un des agents culturels de cette « défaite pour l’humanité » (cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’état du Vatican, 2015) est Panti Bliss, drag queen du Comté de Mayo et Reine d’Irlande. Les intentions de cette communication sont d’une part d’évaluer comment les stratégies culturelles du drag et du kitsch sont mises en jeu dans l’Irlande d’aujourd’hui, et d’analyser leur impact sur le monde queer dublinois.

Dans une première partie, nous nous tournerons vers le rôle du kitsch dans la campagne politique du mariage pour tous, évoluant dans un environnement socio-sexuel irlandais spécifique qui a hérité de la position de l’autruche (Ferriter: 2009). En second lieu, nous verrons comment Panti travaille le kitsch et comment son avatar Rory O’Neill travaille le queer (Butler: 1990). Enfin, dans une troisième et dernière partie, nous verrons comment si le kitsch irlandais est devenu une arme esthétique de la période post-tigre celtique (O’Sullivan: 2006), c’est peut-être au détriment de la culture queer irlandaise.

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- Isabelle LE CORFF (Irlande, cinéma, UBO), La mort au cinéma : vers un kitsch totalitaire ?

 

Depuis ses débuts, l’une des conditions mêmes du cinéma de fiction est son artificialité, son inauthenticité, et le 7ème art a su profiter des puissants ressorts dramatiques de la mort en en multipliant les mises en scène.

Si comme l’affirme Jean Duvignaud, « le kitsch doit se voir comme une dimension esthétique de l’imaginaire de notre époque, aussi normale qu’une autre, et non pas comme l’aporie injustifiable que condamnent tous ses illustres détracteurs », que nous révèle le cinéma de notre imaginaire contemporain ?

Comment la mort à l’écran a-t-elle évolué dans l’idéologie libérale ? Que peut le cinéma face à de nouvelles formes kitsch totalitaires qui menacent de l’absorber ?

 

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​​​​​​​- Alessandro LEIDUAN (Italien, Toulon), Hitler (2008) de G. Genna ou le Mal à la sauce kitsch. Critique des stratégies de légitimation idéologique des sociétés post-totalitaires

 

Les sociétés post-totalitaires actuelles, mieux connues sous le nom de « démocraties libérales », ont inauguré un mode de gestion complètement économique (apolitique et asymbolique) de l’humain: les comportements sociaux ne se justifient que par rapport aux besoins qu’ils cherchent à satisfaire, sans qu’il soit nécessaire d’appuyer leur légitimité sur des valeurs politiques, éthiques ou religieuses (Preve 2013 et Michéa 2007). Il est inutile, dans ce genre de sociétés, de se demander si les besoins que l’on ressent ou les actes que l’on accomplit pour les satisfaire ont un sens (se demande-t-on jamais pourquoi les araignées tissent leurs toiles ? ou pourquoi les abeilles vivent dans des ruches ?). Fondé sur des automatismes qui semblent « naturels » (mais qui, en réalité, le sont beaucoup moins qu’il n’y paraît), le déterminisme économique qui gouverne l’agir humain dans les sociétés post-totalitaires prétend, en tout cas, pouvoir se passer de toute légitimation idéologique. Or, loin d’avoir disparu, l’idéologie a tout simplement mis à jour ses stratégies : il s’agit moins, pour elle, de légitimer le modèle de société existant (ce modèle étant « naturel », il s’auto-légitime par lui-même) que de délégitimer les modèles de société précédents au motif de leur compromission avec des valeurs éthiques, politiques et religieuses qui paraissent aujourd’hui inacceptables (de façon à rendre peu probable tout retour de flamme de la société actuelle pour des systèmes politiques que le tribunal néo-libéral de l’Histoire a définitivement condamné à mort). Le terme de comparaison que les démocraties libérales actuelles aiment le plus souvent utiliser comme repoussoir de leur propre modèle d’organisation sociale est celui des régimes totalitaires. C’est à la lumière de ces stratégies idéologiques qu’il faut interpréter la diabolisation de certaines figures de l’histoire passée (Mussolini, Hitler et Staline), incarnant à elles seules des régimes qui évoquent (rien qu’à entendre leurs noms) les périodes les plus sombres de l’histoire occidentale : le fascisme, le nazisme, le bolchevisme. De toutes ces figures, Hitler est sûrement celle qui a le plus souvent été utilisée comme épouvantail pour exorciser le spectre d’un retour en arrière vers des modèles de société qui placeraient à nouveau la vie humaine sous l’autorité d’un pouvoir politique (et non pas simplement économique). Incarnation du Mal absolu, Hitler concentre en sa personne tout ce qui répugne à la conscience morale de notre civilisation. Son caractère diabolique, sa perversité légendaire, ses projets eugéniques cauchemardesques en font l’inverse symétrique de ces figures angéliques, célestes et mielleuses dont se repaît l’imaginaire kitsch. Mais Hitler aussi est un personnage kitsch, sa négativité est même le présupposé de l’existence du kitsch, ce sans quoi les manifestations les plus représentatives de cet idéal esthétique ne pourraient pas rayonner dans toute leur positivité débonnaire et factice. Le kitsch, disait Kundera, ne peut se constituer que si le monde a été préalablement vidé de « tout ce que l’existence humaine a d’essentiellement inacceptable » (Kundera : 357) ; or, le fait de concentrer en un seul homme (Hitler) tout ce qu’il y a d’inacceptable dans la vie humaine (toute la « merde » du monde, pourrait-on dire avec Kundera) réconcilie la société avec le mode de vie institutionnalisé par le pouvoir dominant et l’entretient dans l’illusion de vivre dans un monde d’une perfection inégalée (et inégalable). En tant que personnage kitsch, Hitler sert donc à tenir à distance tout ce que les sociétés contemporaines pourraient encore trouver d’abominable dans leur propre manière d’être et d’agir, si seulement elles étaient encore capables de porter sur elles-mêmes un regard critique (chose devenue presque impossible dans un contexte où le seul registre d’expression compatible avec le politiquement correct est celui de l’auto-commisération victimaire ou celui de l’autocélébration narcissique).

Ce sont les enjeux idéologiques de cette transfiguration kitsch du personnage historique d’Hitler que nous voudrions étudier. La pierre de touche de ce processus de contamination kitsch de l’imaginaire social sera la biographie romancée d’Hitler écrite en 2008 par l’écrivain italien Giuseppe Genna.

 

 

 

- Camille MANFREDI (Etudes Ecossaises, UBO), De Brigadoon à Burnsiana : l’Ecosse ou la revanche du kitsch

 

Cette communication se proposera d’étudier les métamorphoses et glissements idéologiques du kitsch à travers trois moments de l’histoire de la nation écossaise :

- La venue toute en flamboyance du roi George IV en 1822 dans la ville d’Edimbourg, première visite d’un monarque anglais en Ecosse depuis près de deux siècles. Les festivités organisées par Walter Scott signèrent l’avènement de la « tartan pageantry » (ou « mascarade en tartan ») et élevèrent une certaine vision du kilt au rang de symbole national. Etude sera faite du portrait que réalisa David Wilkie du monarque, portrait dont il s’agira d’évaluer le proto-kitsch et l’idéologie sous-jacente.

- La sortie sur les écrans, en 1954, de la très bondissante comédie musicale Brigadoon réalisée par Vincente Minelli avec Gene Kelly et Cyd Charisse dans les rôles principaux. On s’intéressera à l’usage qui est fait alors par Hollywood des symboles nationaux dans la fabrication de l’image d’une Ecosse niaisante, gentiment Jacobite et résolument kitsch. L’étude de scènes choisies du film mettra en évidence l’encodage par le kitsch (mais aussi par le conte) de signaux idéologiques et identitaires visant à apaiser les velléités nationalistes des Ecossais de diaspora, exilés depuis les grandes évictions du XIXè siècle. On évoquera, en parallèle, la complicité des autorités écossaises dans cet usage du kitsch comme argument touristique.

- L’exposition « Burnsiana » réalisée par le plasticien Calum Colvin en 2012, soit deux ans avant le référendum sur l’indépendance écossaise. On se penchera sur le recours que fait l’artiste du kitsch burnsien dans une démarche de reprise (également au sens propre) des fétiches nationaux et des paraphernalia nationalistes écossaise et, comme en retour de bâton, également anglaise. On s’intéressera ainsi à son détournement à l’Ecossaise des « celebration plates » produites en masse à l’occasion des anniversaires de la reine ou des naissances princières.

Ce rapide parcours voudra mettre en lumière le glissement qui s’est opéré en Ecosse ces dernières années d’une culture d’aliénation à une culture de réappropriation, et d’un kitsch pensé et commandé pour porter une idéologie passéiste et unioniste à son exact contraire, soit un kitsch progressiste et indépendantiste.

 

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- Jordi MEDEL BAO (Etudes Hispaniques/Etudes de Genre, Lyon II), Kitsch queer et cinéma nazi dans le roman Le Baiser de la femme araignée de l’Argentin Manuel Puig

 

L’écrivain argentin Manuel Puig (1932-1990) construit Le Baiser de la femme araignée (1976), son roman le plus célèbre, comme un dialogue, ce qui est déjà en soi une déclaration de principes. L’action se déroule juste après le coup d’État militaire du 24 mars 1976. Il s’agit d’un dialogue entre Valentín, un prisonnier politique qui rêve de changer le monde, et Molina, une « folle » qui rêve d’être une bourgeoise et lui raconte des films. Grâce au kitsch, Puig relève le défi de justifier, d’un point de vue idéologique et esthétique, le film de propagande nazie Destino, synthèse imaginaire de ce type de productions.

Cette communication analysera le film Destino dans le roman et dans son adaptation cinématographique (Babenco, 1983), également écrite par Puig. Dans le récit de Molina, la clef d’interprétation est kitsch puisqu’au lieu de lire idéologiquement une œuvre d’art, il lit esthétiquement un produit idéologique. Sa lecture suppose non seulement que les productions artistiques ne s’interprètent plus par le contexte socio-politique mais que c’est la forme des œuvres qui constitue le véritable contexte pour la lecture idéologico-politique.  

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​​​​​​- Frédérique MENGARD (Allemand, UBO), Le concept d'Holokitsch au service du négationnisme

 

Nous analyserons le concept d'"Holokitsch" sous l'angle du négationnisme, à savoir : dans quelle mesure l'élaboration de ce concept et la projection d'un regard esthétique lié au kitsch sur la Shoah participe d'une volonté de nier, ou, du moins, de minimiser l'existence et la portée de celle-ci. Une volonté qui participe de deux tendances politiques différentes, mais convergentes à plusieurs égards : d'une part, celle du nationalisme d'extrême-droite, et d'autre part, celle de la délégitimation de l'Etat d'Israël. Le caractère d'excès et d'outrance intrinsèque au Kitsch prend, de la sorte, la forme du reproche d'un excès de mémoire, ce qu'il est devenu coutume d'appeler l'"Holocaust fatigue", les commémorations et les représentations artistiques étant également présentées comme outrancières et exagérées, voire comme revêtant un aspect artificiel. Dès lors, les faits commémorés ou représentés sont frappés du soupçon d'inauthenticité.

 

 

 

- Elizabeth MULLEN (Études américaines, UBO), Midnight Cowboy (Schlesinger, 1969) : kitsch et dégénérescence du rêve américain

 

Dans Midnight Cowboy (1969) le cinéaste britannique John Schlesinger peint un portrait malaisé d’une Amérique instable. C’est par le biais du kitsch que Schlesinger interroge certains aspects idéologiques du rêve américain, révélant un système en pleine dégénérescence.

 

 

 

- Michael RINN (Linguistique, UBO), Holocaust-Kitsch : un état des lieux

 

Le terme de "Holocaust-Kitsch" a surgi il y a quelques années déjà, notamment à partir de quelques productions hollywoodiennes largement critiquées. Mais, outre sa charge fortement polémique, il ouvre un débat sur la littérature contemporaine qu’il interpelle aussi d'un point de vue idéologique.

 

 

 

- Fátima RODRIGUEZ (Espagnol, UBO), Kitschéographies : Kitsch et récits identitaires institutionnels. Un exemple en Galice

 

En octobre 2005, le gouvernement régional de la Galice inaugure une grande exposition itinérante regroupant une centaine d’affiches destinées à la promotion de cette région de l’Espagne, aujourd’hui Comunidad Autónoma Histórica. Elles sont toutes le fruit des initiatives menées par les autorités étatiques au fil du XXe siècle. Leur dénominateur commun : une sélection de traits visuels censés refléter une identité galicienne. Un travail de caractérisation et de codification destiné à attirer le tourisme.

L’examen des différents avatars de ces expositions (à Buenos Aires, Stuttgart, Toulouse, …), leur concept, leur mise en espace et la manière dont l’objet est présenté dans son individualité mais aussi au sein d’un ensemble unifié, encouragent la réflexion autour de la notion d’un kitsch issu non pas d’une saturation créative dans les dimensions limitées d’une œuvre, mais de la réception d’une série d’images associées et synchronisées. L’assemblage de ces pièces dans un espace ad hoc, leur nature et leur présentation sérielle, la création d’un espace singulier d’exposition à l’image de l’espace symbolique identitaire sont autant d’éléments à interroger dans l’analyse du kitsch à travers les représentations institutionnelles.

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- Hélène ROUTIER (Etudes théâtrales, Paris III), Le kitsch scénique comme moyen de critique sociale, dans Un Chapeau de paille d’Italie d'Eugène Labiche mis en scène par Giorgio Barberio Corsetti


Le Chapeau de paille d'Italie a été représenté pour la première fois en août 1851, cette comédie d’Eugène Labiche est décrite par Emile Zola comme un « chef d’œuvre ». Pendant le second Empire, le vaudeville faisait partie des expressions artistiques les plus importantes, ce genre théâtral a de nombreuses caractéristiques kitsch telles une intrigue légère, un regard décalé sur le monde, une ironie, une certaine sentimentalité... Mais, sous la comédie, Labiche émet une critique de la société de son époque. Aujourd’hui, cette pièce est souvent reprise ; la mise en scène de Giorgio Barberio Corsetti, en octobre 2012 à la Comédie-Française, compte parmi les plus originales et les plus réussies. Le metteur en scène place la pièce de Labiche dans les années seventies, il actualise le propos du dramaturge et transpose, ainsi, sa critique sociale à notre époque, en créant sur scène une esthétique kitsch.

 

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- Marie-Noëlle SEMET (Arts plastiques, Paris I), Le kitsch mis en scène : un outil politique. Point de vue de scénographe

 

Mon propos visera à envisager le recours à des procédés ou à une imagerie kitsch au théâtre à des fins politiques : quand le “mauvais goût” ou l’excès de style sont requis pour ouvrir une brèche dans le drame, par laquelle faire entrer le monde et l’interroger.

Pour ce faire, je reviendrai sur trois scénographies que j’ai réalisées en 2012 et 2013, en Grèce, en plein bouleversement politique, social et économique. Par période d’incertitude et de trouble, le théâtre plus que jamais,  pour tenir ce rôle d’agitateur politique qui lui est dévolu, a recours à l’humour, par quoi tout peut être dit. D’un point de vue plastique, l’usage d’un vocabulaire formel kitsch devient alors un procédé de mise à distance à travers lequel tout peut être dénoncé. Le "mauvais goût", parce que et à condition de le faire grincer, prête à rire. Sa reprise participe alors d’un regard critique salutaire.

Il sera question d’une comédie  grecque du XIXème siècle, Le Mariage de Koutroulis de Ragavis, créée en février 2012 au Théâtre National d’Athènes, où des costumes de pacotille d’inspiration dadaïste, hauts en couleurs, créent une ambiance de carnaval désespéré dans un théâtre nu, vidé par la crise. Puis du Filleul, une opérette de Sakellaridis, créée en juillet 2012 à l’Athens Concert Hall, dans une salle moderne et luxueuse où il fallait faire pénétrer le bruit inquiétant du dehors ; si le kitsch est récurrent dans le traitement des opérettes, il est ici contré et retenu par un espace clair et rigoureux, la scène se sert du kitsch mais se refuse à lui. La troisième scénographie, pour un drame satyrique d’Euripide, le Cyclope, créé en 2013 au théâtre antique d’Épidaure, renvoie à d’autres usages détournés du kitsch, comme l'hybridation et la mise en abîme, qui font de l’amusement satyrique un drame caustique. Par ironie ainsi manipulé, le kitsch mis en scène permet de questionner une actualité brûlante et de poser un regard critique sur des propos graves que le fait théâtral peut dénoncer.

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- Lionel SOUQUET (Espagnol, UBO), Le kitsch subversif de Reinaldo Arenas contre le réalisme socialiste cubain

 

Le grand écrivain cubain Alejo Carpentier, virtuose du néo-baroque, est aussi le gardien du temple de la culture officielle de la Révolution castriste et c’est à ce titre qu’il préconise, dès 1961, une stricte allégeance de tous les artistes cubains au modèle unique du réalisme socialiste, vernis culturel kitsch selon Kundera. Ce paradoxe ne pouvait échapper à l’écrivain dissident Reinaldo Arenas (1943-1990) qui mettra, dès lors, un point d’honneur à dénoncer clairement la réalité monstrueuse – ni merveilleuse, ni magique – du régime castriste tout en défendant son esthétique anti-réaliste aux frontières du fantastique qu’il oppose, pourtant, au réel merveilleux de Carpentier et au réalisme magique de García Márquez, grand ami et alibi intellectuel de Fidel Castro. Arenas se retrouve, donc, dans une position éthique et esthétique très ambiguë, voire scabreuse, dont il résoudra l’aporie en élaborant, dans des romans de plus en plus autofictionnels, une sorte de vision hallucinée de la réalité cubaine où le mélange des genres (dans tous les sens du terme) lui permet, dans un geste scriptural à la fois unique et multiple, de railler – grâce à l’ironie kitsch – les contradictions idéologiques des tenants du réel merveilleux et du réalisme magique et de saper, de miner, les normes implacables du réalisme socialiste et de la dictature castriste.

 

 

 

- Marko VIDAK (Analyse du discours, UBO), Storytelling, répétition et exagération comme procédés de kitchisation du discours politique

 

Le discours politique est probablement l’un des discours qui par son essence même relève du kitsch. Omniprésent, le discours politique ne fait que remplir la coquille vide de sa fonction : il répond par là aux exigences de sa forme. Si l’on prend en compte l’ensemble des discours politiques dans un pays, l’on constate que la majorité d’entre eux ne servent qu’à légitimer la fonction et créent un bruit de fond dans lequel ils se noient mutuellement. Son rapport à la vérité n’est pas des plus simples et reste en lien étroit avec son efficacité. Malgré sa vacuité, ce discours institutionnel et souvent stérile est le principal outil d’action du politique.

Le kitsch étant comme un paravent qui dissimule, une manière d’être, de voir, de se montrer, une façon de mentir, il apparaît comme catégorie parfaite pour aborder le discours politique. Une grande partie de ces discours pourraient être vus comme un bourdonnement de la médiocrité qui n’arrive pas à se distinguer et reste en arrière-plan. Par extension, l’on pourrait voir le discours politique comme essentiellement kitsch.

Pour examiner plus en profondeur la dimension kitsch du discours politique, nous aborderons deux notions principales qui le caractérisent, le storytelling et la répétition. Ces deux procédés sont significatifs de la superficialité, du vide et de la stratégie de la langue de bois mais aussi de l’évitement et de la dissimulation. Par extension, l’on pourrait se demander si le discours politique n’est pas, par définition, kitsch et langue de bois, les deux contribuant à son caractère manipulatoire.

 

 

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- Solange WAJNMAN (Sciences sociales et de la communication, université de São Paulo, Brésil), Le kitsch et les dilemmes de la modernisation au Brésil : étude d’un imaginaire urbain brésilien à partir des objets kitsch véhiculés par le cinéma

 

A partir du langage visuel d’objets présentés dans le cinéma brésilien durant la première moitié du XXe siècle, nous débattrons dans cette étude des relations entre la modernisation proposée par l’idéologie nationale et le style qui, quelquefois, paraît anachronique et, d’une certaine façon, kitsch dans certains décors et costumes utilisés dans les films de cette époque. En premier lieu, nous devons souligner l’importance du cinéma d’Hollywood en ce qu’il a influencé un style urbain moderne au Brésil. C’est le cinéma d’Hollywood qui a été le levier de nouveaux modes de consommation et de styles de vie identifiés comme l’American way of life. Le glamour des étoiles du cinéma a contaminé tout ce qui les entourait, que ce soit ce qu’elles portaient, ce qu’elles touchaient ou dont elles parlaient. Le cinéma est devenu la vitrine par excellence de l’exposition et du glamour de la mode, ainsi que des objets et matières de confort et de décoration domestique. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant d’observer que la modernité propagée par le cinéma d’Hollywood ait pu provoquer des structures décontextualisées en ce qui concerne la logique du kitsch : il n’est pas étrange, par exemple, que les cheveux teints en blond aient fait partie de l’idéal à atteindre pour des brunes et métisses brésiliennes.

Bien que la modernisation nationale ait rencontré des obstacles, notamment jusqu’aux années 1930 avec la faillite des petits investisseurs du cinéma lors de l’avènement et de la consolidation du cinéma d’Hollywood, à partir de ce moment le gouvernement a travaillé avec l’industrie culturelle à la promotion et au financement de grands studios de cinéma entièrement brésiliens, comme la Cinédia et l’Atlântida. En tant que stratégie pour la construction d’une unité politique, le gouvernement brésilien a proposé un idéal de modernité destiné à mettre fin à la fragmentation régionale et archaïque de certains secteurs économiques du pays, en les intégrant dans une unité rationnelle et moderne. Afin de construire cet idéal moderne, la proposition consistait à sélectionner certains éléments qui composent la culture populaire, en se les appropriant, en les extrayant de leur contexte régional et en les replaçant dans le contexte national. Le football, la musique et le carnaval, par exemple, ont fait partie de cet objectif d’intégration, comme l’a prouvé la Radio Nacional.

Cependant, la montée en puissance du cinéma nord-américain et les difficultés auxquelles ont fait face les producteurs nationaux de cinéma ont eu pour conséquence la production d’un modèle cinématographique basé sur la copie. Il s’agit des fameuses « chanchadas » qui parodiaient les films d’Hollywood. Dans ce contexte de la parodie, nous parlerons des films qui ont reflété la culture populaire brésilienne dans un contexte d’urbanisation. La logique kitsch du grotesque ainsi que les objets du décor et les costumes qui semblent décontextualisés de l’esthétique originelle d’Hollywood montrent que les « chanchadas » soutiennent l’ambiguïté d’un Brésil qui ne sait pas comment articuler l’archaïque ou l’anachronique avec l’idéal moderne.

 

 

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​- Yue YUE (Chinois, UBO), Le kitsch, une nouvelle façon de voir l'idéologie chinoise : analyse des œuvres de Yu Youhan

 

Dans le regard du critique d'art anglais Edward Lucie-Smith, le peintre chinois Yu Youhan, né en 1943 et natif de Shanghai, « apparaît comme le leader incontesté du prétendu mouvement politique Pop vers la fin des années quatre-vingt, premier style manifestement contemporain à voir le jour en Chine, un genre nouveau qui attire l’attention du monde occidental et ouvre la voie à d’autres formes significatives de l’art chinois contemporain. [...] Yu Youhan se différencie des autres par sa nature même de pionnier. Il est l’un des premiers peintres chinois de “style occidental” à avoir indéniablement trouvé un langage artistique qui lui est propre. C’est pourquoi il se verra certainement conférer une place de premier choix dans l’histoire de l’art chinois. Nous vivons une époque où l’art avant-gardiste tend à tout prix à faire sensation, cherche à impressionner et si possible à choquer. Yu Youhan ne s’intéresse pas à ces digressions. Il a pour dessein de nous intriguer, de faire naître en nous un sourire puis, si possible, de nous conduire sur le chemin de la réflexion. »

       En fait, le point de vue d'Edward Lucie-Smith ne porte que sur les œuvres de Yu  Youhan  antérieures à 1993. Car, Yu Youhan ne cesse d'évoluer dans son aventure artistique et dans sa réflexion sur son pays et son histoire. En 1993, Yu Youhan présente un tableau intitulé Mao Zedong joue du pingpong pour l'exposition de Venise, le premier fruit de son évolution. Il métamorphose son style Pop en image Kitsch, au sens chinois du terme : "Vulgaire". Cependant, cette vulgarisation manifeste une dimension plus approfondie car elle permet de critiquer ou de commenter l'idéologie dominante et la mutation de la société chinoise. Oser faire descendre Mao Zedong, le plus grand dirigeant contemporain de la Chine, du trône suprême vers le folklore, au même niveau que les petites gens, est un acte qui peut choquer. Pour quelle raison l'artiste ose-t-il prendre ce risque ? Une envie de délivrer le secret de sa pensée sur l'idéologie de Mao ou bien une simple tentation artistique ? Le phénomène Yu Youhan attire l'attention des critiques.

Nous analyserons les œuvres afin de tenter de donner une explication sur la relation entre le kitsch et l’idéologie sous les pinceaux de Yu Youhan.

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- Jaqueline ZANCHETTA (Espagnol, UBO), Conventillos  et cambalaches  dans la poésie populaire argentine et la chanson de tango (entre merza et Kitsch) 

 

Les périodes de crise économique semblent avoir laissé en Argentine des traces indélébiles sur la poésie populaire et sur la chanson de tango. Ceci se vérifie tant dans les années vingt et trente que dans l’actualité. Les motifs littéraires et esthétiques de la misère tels que le cambalache (mélange hétéroclite d’éléments kitsch) ou les conventillos (logements insalubres  ou s’entassaient les immigrés à Buenos Aires) sont incontournables.  Entre 1871 et 1910, plus de trois millions d’étrangers entrèrent dans le pays. Incapable de gérer les flux migratoires, Buenos Aires fut très vite débordée : les infrastructures sommaires de la ville ne pouvaient satisfaire à toutes les demandes de logements et ce fut la porte ouverte à des abus en tout genre. Les propriétaires des maisons bourgeoises, voulant les rentabiliser au maximum, improvisèrent des logements en cloisonnant leurs vieilles demeures pour en faire de minuscules chambres, souvent sans fenêtres ni sanitaires.  C’est précisément dans ces lieux que la dénommée merza – « la populace » – créera des modes d’expression considérés par la culture bourgeoise comme vulgaires.

Mais l’évocation du conventillo, au moyen d’un lexique utilisé par le  bas-peuple de Buenos Aires ne s’épuise pas après la  grande crise économique des années trente,  elle  se  poursuit dans la problématique des bidonvilles contemporains, puis des cartoneros, comme le montre Jorge Melazza Muttoni dans Cartón y lata.

Tandis que la poésie populaire de Buenos Aires s’attache à dénoncer les conditions de vie infrahumaines du conventillo en s’appuyant sur la fonction référentielle ou idéologique, la chanson semble aborder le problème d’une manière plus légère, comme un élément plus décoratif, parfois ludique ou caricatural. Or cet attachement au pittoresque des paroliers de tango n’est pas toujours aussi naïf qu’on pourrait le croire. Le côté miséreux de certaines paroles, tout comme leur penchant festif, ne pourraient être dissociés des problèmes réels idéologiques et sociaux qu’ils posaient.

D’autres motifs poétiques tels que le camanbalache évoqués de manière magistrale par Discépolo dans sa chanson de tango homonyme (1935), représentent l’absurdité du monde à travers l’image d’objets et de personnages disparates et  hauts en couleur.

Assimilés à l’esthétique du kitsch, les motifs du conventillo et  du cambalache,  symbolisent mais aussi revendiquent ce supposé mauvais goût issu d’une culture populaire syncrétique émergente dont le tango puise largement son inspiration pour façonner sa propre esthétique musicale, poétique, chorégraphique et langagière.

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