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 Résumés

Erik Anspach (ENSCI)

Les coulisses des lettres ; les lettres en coulisses

 

Sa fleur » de Champsaur commence avec un cliché du XIXème siècle : une jeune femme tombe amoureuse avec un personnage des coulisses depuis sa loge au théâtre. Regards croisés entre espaces parathéâtraux, la relation débute avec une correspondance primaire et culmine avec la demande du coulissier, par lettre, d’une description détaillée des parties intimes de la jeune femme, parfumée de l’odeur de « sa fleur ».

La lettre initiale dans l’imaginaire de Champsaur évoque des questions de la transmission et la transmissibilité des plaisirs, la narration des corps, et de la politique, la hiérarchie, et l’identité sexuelles, ainsi que l’expérience du partage, de la transparence et de la proximité. L’écrit semble donc chargé d’exprimer des thèmes qui ne sont abordés qu’implicitement dans le comportement des personnages : échange par lettre entièrement libre d’aborder les tabous de l’intime.

Au croisement du roman, du théâtre, et des lettres, « Sa fleur » sera examinée à travers cette étude dans l’optique d’exposer des liens et des séparations entre l’intimité visible, palpable et écrite, et celle cachée, celle du parathéâtre, afin de mieux cerner le rôle de la lettre à chaque étape de la construction d’un imaginaire de l’intime et de la transparence au cours du XIXe siècle.

 

 

 

 

 

Anne Boiron (agr, norm, doctorante Nantes)

Les premières lettres échangées entre Mme de Maintenon et la Princesse des Ursins :

une intimité idéale et utopique

 

En 1705, Mme de Maintenon et la princesse des Ursins scellent un « contrat » précieux : elles s’écriront dorénavant tous les dimanches. Durant les dix années de cette correspondance, alors que Mme des Ursins est Camera mayor auprès du jeune couple royal à Madrid et que Mme de Maintenon suit elle aussi de près les épisodes de la guerre de Succession d’Espagne, les deux femmes ne manqueront jamais à l’appel. Il en résulte une correspondance passionnante, mêlant le style galant des salons que les deux épistolières ont fréquentés dans leur jeunesse aux nouvelles politiques les plus brûlantes. Quel est alors le statut des premières lettres échangées – celles des années 1705-1706 – au regard de cette importante correspondance ? Résultats d’un contrat, elles semblent bel et bien forger le style, le ton et le fond, en somme le paradigme, de la correspondance à venir. Pourtant, ces premières lettres ont également un statut paradoxal : loin de poser les fondations d’une intimité que la stabilité de ce commerce aurait pu construire, elles se présentent comme le paroxysme d’une confiance qui ne fera plus que décroître. La distance n’est pas abolie par cette correspondance, mais au contraire de plus en plus soulignée. Or, l’étude des premières lettres de ces deux femmes nous permet, rétrospectivement, de percevoir dans l’intimité initiale les raisons d’un futur éloignement.

Nous nous proposons donc d’étudier les premières lettres que s’échangent Mme de Maintenon et Mme des Ursins pour mieux comprendre le style de leur échange et l’évolution de leur relation. On s’attachera particulièrement à l’étude du caractère paradoxal de ce commerce épistolaire qui aboutit malgré sa longueur et sa régularité à une dégradation de l’intimité qu’il devait entretenir et même développer.

 

 

 

 

Caroline Biron (Agr, doctorante, Nantes)

Fourberies épistolaires : les premières lettres dans Les Fourberies de Vénus (1714)

            C’est en 1714 que paraissent anonymement Les Fourberies de Vénus ou Lettres amoureuses de C. E. A. à B. R. G., bref ouvrage composé de deux pièces liminaires et de douze lettres d’amour d’une dame à son amant. Éclairer cette œuvre oubliée à la faveur du concept de premières lettres nous semble fécond à plusieurs égards. À l’échelle de l’histoire tout d’abord, l’ordre des missives n’est pas aléatoire : ces dernières sont non seulement numérotées, mais aussi datées pour la plupart (du 29 novembre 1708 au 23 juin 1710). Il y a donc bien une première lettre, introduisant une relation qui se déploiera au fil des épîtres suivantes : dès le début, le ton est donné et fait entendre les accents désespérés de la femme blessée d’amour. Le lien entre les deux correspondants préexiste à l’œuvre et s’est noué au moyen de billets antérieurs : les véritables prémices épistolaires ne sont donc pas livrées au lecteur, qui pénètre in medias res dans l’histoire. À l’échelle de l’ouvrage, la lettre du 29 novembre 1708 n’est toutefois pas la première des Fourberies, qui s’ouvrent sur l’« Avis » d’une dame, puis sur la « Lettre de la personne qui a communiqué ces pièces galantes à la dame qui les donne au public ». Cette épître inaugurale est l’occasion d’éclaircir la provenance du texte, comme souvent au seuil des romans épistolaires, mais elle redouble également la topique amoureuse de la correspondance principale, puisque l’auteur de la lettre y déclare sa flamme à la dame de l’« Avis ». Étudier les premières lettres des Fourberies et les liens qu’elles tissent avec les suivantes permet donc à la fois d’interroger le concept au sein du roman épistolaire, mais également d’exposer les principes de ce dernier.

 

 

 

 

 

Anne Boutin (Agr, docteur, Angers)

Les premières lettres de Benjamin Constant : l’entrelacement d’un discours intimiste et d’une mise en scène de soi.

En cette année 2017, où est commémoré le 250e anniversaire de la naissance de Benjamin Constant (1767-1830), sont rappelées diverses facettes du romancier, du diariste, du journaliste, du philosophe des religions, ou encore de l’homme politique et de l’orateur ; mais peut-être oublie-t-on de se souvenir qu’il fut également un épistolier remarquable.

 

Son immense correspondance (près de quatre mille lettres) présente un intérêt documentaire, mais elle révèle aussi de vrais dons pour l’écriture épistolaire. Celui qui fut un épistolier très fécond jusqu’à la fin de sa vie et qui sut s’inscrire dans un réseau épistolaire au niveau européen fut également un épistolier précoce. A ce jour, douze lettres de l’enfant Benjamin Constant ont été retrouvées, écrites de 1774 à 1781, c’est-à-dire de ses sept ans à ses quatorze ans (voir Correspondance générale, Tome I, Max Niemeyer Verlag, Tübingen, 1993). Ce sont toutes des lettres privées, adressées à l’un des membres du cercle familial : père, grands-parents, tantes, cousins. Le plus souvent oubliées – sans doute à cause de la célébrité des destinataires de l’épistolier adulte –, ces premières lettres de Benjamin Constant donnent pourtant à deviner l’écrivain qu’il deviendra.

Le corpus de ces douze lettres invite à ouvrir des pistes d’étude :

Quelles sont les spécificités rhétoriques et les constantes thématiques de ces lettres ?

Quelles influences devine-t-on dans l’écriture de ces lettres ?

Quelle place et quelle fonction sont données à leurs destinataires ?

En quoi le geste épistolaire de l’enfant participe-t-il déjà à la construction du sujet qu’il va devenir ?

Quelles caractéristiques de l’écriture peut-on identifier comme annonciatrices des œuvres de l’écrivain adulte (lettre, journal intime, récit autobiographique, roman) ?

 

 

 

Lorna Clark (Carleton University, Ottawa, Canada)

First letter and first writings in the Burney Family Archive

The first letter that opens the Early Journals and Letters of Frances Burney, addressed paradoxically “To Nobody” has long been the subject of analysis. What has received much less attention is the fact that a large part of the Early Journals, begun at the age of sixteen, form part of a larger collection of early writings produced by several young women of the Burney family  during their teenage years. These multiple examples of juvenilia reflect the creative and literary culture and practices of the time, and especially those within Burney’s own network. 

In this paper, I shall consider Burney’s first letter in this context:  first, the construction of self and projection of audience that it represents, and the rhetorical stance and topics which are typical of her youthful journals. This leads on to a consideration of other genres and styles of juvenile writing recently discovered in the family archive – stories, plays, poems, riddles, puzzles, miscellaneous essays and news reports written by female relatives.  The versatility and element of “play” in these young Burneys’ work is striking, and comparable to the note struck in that first letter of Frances Burney.  Moreover, many of their works address subjects and themes that would later become the focus of Frances Burney’s career.

The first letter, youthful journals and literary juvenilia in the Burney family archive highlight the rich vein of creativity on which Frances Burney was able to draw, and can lead to a better understanding of her work.  The discussion also measures her achievement by showing the extent of her influence on those writers immediately around her, and beyond

 

 

 

Sylvie Crinquand (PR U Bourgogne)

L’art d’entrer en correspondance de Robert Burns à Thomas de Quincey

Cette communication s’appuiera sur un corpus de premières lettres rédigées à l’époque romantique, le terme étant considéré dans son acception la plus large, en incluant Robert Burns, souvent qualifié de pré-romantique et fortement inspiré par les secrétaires de son époque, ainsi que de Quincey, mort en 1859 pendant la période victorienne.

Les auteurs analysés seront John Keats, dont l’une des plus belles lettres est celle qu’il adressa à sa sœur Fanny en 1817, mais aussi De Quincey et Wordsworth, Byron, Coleridge, Blake, Shelley, ainsi que Robert Burns.

La communication proposera une analyse de ce qui rapproche ces premières lettres, dont certaines appartiennent clairement à la sphère privée, alors que d’autres, tel l’échange entre De Quincey et Wordsworth, s’inscrivent dans la sphère publique et sont entrées dans l’histoire littéraire. Plusieurs paramètres seront pris en compte : l’influence des manuels épistolaires et d’épistoliers canoniques tel Lord Chesterfield, surtout visible chez un poète comme Burns,  l’effet de « hiérarchie » parfois induit par le statut de l’épistolier écrivant sa première lettre à une personne admirée (je pense ici à De Quincey écrivant à Wordsworth), ainsi que le statut de cette lettre, qui oscille entre prise de contact et contrat, voire pacte d’écriture, qui tente souvent de donner une orientation à la correspondance ou à la relation à venir. Dans certains cas, la rédaction de cette lettre qui se veut fondatrice s’apparente à un art, d’autant plus difficile à mettre en œuvre que pour respecter les conventions épistolaires il se doit d’apparaître spontané, et que la rédaction d’une première lettre s’accompagne souvent d’un sentiment de gêne.

 

 

 

Arnaud Dercelles & Rémi Baudouï (PR)

A la recherche d’une conscience de l’architecture : Les premières lettres de Le Corbusier à sa  famille

Né à La Chaux-de-Fonds en 1887 et décédé en 1965, l’architecte Le Corbusier n’a cessé, tout au long de son existence, d’écrire et de maintenir une correspondance nourrie avec sa famille et ses amis. Plus qu’un medium propice à témoigner de son quotidien, de ses découvertes et expériences, Le Corbusier y trouve le moyen de comprendre ses passions, de nourrir sa création, d’échanger des idées et de formaliser ses considérations sur la marche du monde nécessaire à l’élaboration de ses théories et doctrines.

La correspondance familiale est un matériau d’une ampleur exceptionnelle. Elle comprend à ce jour près de deux mille lettres et ont fait l’objet -par nos soins- d’une publication intégrale en trois volumes entre 2011 et 2016.

Nous souhaiterions dans le cadre de cet appel à contributions sur les études épistolaires Les premières lettres mettre en perspective les premiers courriers composant la correspondance familiale de Le Corbusier avec le reste du corpus selon le double schéma d’analyse suivant :

 

  • La mesure de l’originalité du processus narratif au regard de l’ensemble de la correspondance familiale.

De quelle spontanéité cette correspondance initiale peut-elle être dotée ? En dehors de toute règle épistolaire précise, ne participe-t-elle pas d’une approche particulièrement sensible de sa relation à ses proches mais aussi au monde qui l’entoure ? Ne pourrions-nous pas considérer cette première écriture de la vie comme une écriture poétique et dont la offre au jeune apprenti architecte les conditions de découvrir le monde et de se l’approprier à l’image de ce qu’énonce Nicolas Bouvier, dans (1963) : « Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage mais bientôt c’est le voyage qui vous fait et vous défait ».

 

  • La perception des procédés d’écriture, selon un processus de codification mis en place par Le Corbusier afin d’optimiser l’échange épistolaire.

Conscient des apports que l’écrit épistolaire apporte à ses réflexions sur l’architecture, l’urbanisme, les villes et la société, Le Corbusier exprime rapidement le besoin d’élaborer des règles de correspondances destinées à entretenir la flamme de ses échanges épistolaires. Les normes imposées à ses parents ont pour objet de fixer des contraintes d’optimisation des échanges de lettres, mais ont aussi d’éviter des ruptures, des non-réponses voire même des pertes de lettres. La régularité, l’assiduité et la ponctualité exigée pour lui et pour ses proches répondent à un souci fondamental d’analyser, comprendre, restituer et interpréter ce qu’il voit, entend et comprend dans une perspective analytique toujours en éveil. Nous forgeons ici l’hypothèse qu’à ce système de contraintes externes à la correspondance familiale, correspond aussi un système de contraintes internes relevantà fois de la mise en place de particularités rhétoriques, de règles implicites littéraires d’énonciation, mais aussi de logiques et rationalités d’analyse de causalité. De telle sorte que par les prémices qu’elle déploie, la correspondance familiale puisse aussi échapper aux règles spécifiques de la correspondance épistolaire. Cette hypothèse est du reste confirmée par le fait que les lettres adressées par Le Corbusier dans le cadre de son voyage en Turquie, en Anatolie et en Italie en mai 1911 sont directement réemployées dans le récit de voyage qu’il publie dans la de La Chaux-de-Fonds.

 

Pour mener à bien ce projet, nous procéderons à une analyse comparative en terme de contenus mais aussi de structures de récits, de formes littéraires et de formulations stylistiques entre les premières lettres – période 1900-1916 –et la correspondance de maturité–1917-1965.

 

 

 

Eric Francalanza (PR UBO)

Les premières lettres de Voltaire au fil des éditions : de Kehl à Oxford

Il s'agit de voir ce qu'il advient des premières lettres depuis l'édition de Beaumarchais: c'est toute une stratégie éditoriale qui apparaît, façonnée par les avancées de la connaissance et les découvertes des fonds, mais aussi par les principes qui guident les éditeurs, de la correspondance prétendument complète à l'anthologie. toute une réflexion sur la présentation d'un Voltaire qui prend la plume se dessine au fil des éditions.

 

 

Emrys Jones (King’s College London London)

Platonic Love for beginners

Epistolary narratives on the topic of platonic love, whether fictional or constructed from actual correspondence, often involve a proliferation of beginnings. Besides the initial letters establishing a relationship, and the potential for a new ‘first letter’ when one or other of the correspondents wishes to move the relationship in a more amorous direction, there is—even in ‘successfully’ platonic friendships—a need to continually reassert and clarify the non-sexual nature of the epistolary transaction. The resulting sense of multiple ‘first letters’, always shadowed by the threat of a truly new statement of desire, leads to a number of distinctive paradoxes in such narratives: the simultaneous withholding and incremental growth of intimacy; suspiciously urgent avowals of sincerity; and an enduring anxiety as to whether these relationships demand more or less than those founded on sexual desire.

This paper will discuss the above paradoxes with reference to several epistolary narratives published in eighteenth-century Britain, exploring in the process how the public was encouraged to respond to the possibility of non-romantic friendship between women and men. Two examples of especial interest are Martha Fowke Sansom’s The Epistles of Clio and Strephon (1720) and the anonymously-authored The Correspondents (1775). Both works are apparently derived from genuine letter exchanges, but in both instances public exposure and scrutiny of the ‘platonic’ serve to exacerbate the tensions between narrative monotony and scandalous potential implicit in texts of the sort. Ultimately, I will argue that an understanding of platonic love’s self-perpetuating beginnings can shed light on both the function of letters in eighteenth-century society and the wider challenges of publicising intimacy throughout the period.

 

 

 

 

Gaëlle Le Corre (MCF UBO)

The first letters written by Unionist and Confederate Soldiers

The first letters penned by Unionist and Confederate soldiers who belonged to different ranks in the military hierarchy provide precious information about their first impressions on the conflict, their daily life and concerns. From a stylistic and informational point of view, do these letters differ from the rest of their epistolary correspondences?

Even though their writings sometimes offer a naive vision of the oncoming conflict, their first letters often address themes that will be recurrent throughout their correspondences. Do officers share the same view on the conflict and the daily routine than low-ranking soldiers?

 

Selected Bibliography

Austin, Frances, “Epistolary Conventions in the Clift Family Correspondence”, English Studies, Vol. 54, 1973, p. 9-22, 129-140.

Austin, Frances, “The effect of exposure to Standard English: The language of William Clift”. In Dieter Stein & Ingrid Tieken-Boon van Ostade (eds.), Towards a Standard English 1600-1800, 285-313, Berlin & New York: de Gruyter, 1994.

Austin, Frances, “Heaving this importunity: The survival of opening formulas in letters in eighteenth and nineteenth Centuries”. Historical Sociolinguistics & Sociohistorical Linguistics 4. http://www.let.leidenuniv.nl/hsl_shl/heaving_this_importunity.htm

Bernier, Celeste-Marie, Newman, Judie, Pethers , Matthew, The Edinburgh Companion to Nineteenth-Century American Letters and Letter-Writing, Edinburgh: Edinburgh University Press, 2016.

Westlake, James Willis, How To Write Letters: A Manual of Correspondence, William Nicholson & Sons, 1876.

Wiley, Bell Irvin, The Life of Johnny Reb: The Common Soldier of the Confederacy, Louisiana State University Press 2008.

Wiley, Bell Irvin, The Life of Billy Yank: The Common Soldier of the Union, Louisiana State University Press, 2008.

 

 

Catherine Mariette (PR Grenoble)

Stratégie amoureuse dans les premières lettres de Stendhal à Matilde Dembowski : l’échec de l’intime 

Stendhal rencontre Matilde Viscontini Dembowski en mars 1818. Les premières lettres qu’il lui envoie datent du mois d’octobre 1818, la dernière du 3 janvier 1821. Dans cette relation distante, essentiellement épistolaire, Stendhal tente de séduire Matilde par la réticence, en glaçant son désir pour ne pas l’effrayer. Je tenterai d’examiner l’importance de ce début de correspondance au regard de la série des lettres d’amour envoyées (ou pas) à Matilde et de voir comment ces prémisses donnent la note à celles qui suivent. On retrouve en effet la trace de l’idéalisation de cet « amour qui ne vit que d’imagination » (Journal, 25 novembre 1819) dans toutes les lettres à cette femme. Mais à quel moment, à partir de quel indice peut-on déceler que cette correspondance s’écarte de son objet réel et qu’elle devient essentiellement littéraire, comme un brouillon au traité De l’amour que Stendhal commence à rédiger au moment de sa passion pour Matilde ?

C’est ce « saut » dans la fiction, à partir de l’échec de l’intime, que la communication se propose d’examiner.

 

 

 

Elena Ogliari (doctorante, Milan)

 

A second  thought on Henry James’s first professional letters

Henry James had an ambivalent stance on reading the private correspondence of a writer made public posthumously. Considering letter-writing a literary genre deserving scholarly criticism, he perused the letters by Balzac and Sand looking for the evidence of their ‘literary craftsmanship’, their aesthetic value. However, he soon acknowledged that reading private documents was like eavesdropping as he became aware of how much a private letter may reveal about its author’s personality and emotional side. Fearing the sensation-seeking public, he demanded the destruction of his letters to his correspondents. The surviving letters are often examined to outline a fuller portrait of James, his life and times: most scholars focus on “The Master”, the great literary personality of the mature age boasting a wide network of “literary connections”. Rather than dealing with the figure of “The Master”, I propose to analyse the first professional letters by James, written between the 1860s and the 1870s. Addressed to magazine’s editors and prominent writers of his age – e.g. Norton, Turgenev and Flaubert – these letters were written by a young novice in literature determined to earn his place in the Republic of Letters. At first glance, they seem ordinary business letters, but a close reading enables their readers to have glimpses into the personality of the young James. Although he tried to efface himself from his professional correspondence, his ambitiousness and the belief that he deserved literary fame show through in the assertiveness of his statements and proposals for tales and reviews to the editors. At the same time, while respecting the conventions prescribing clarity, he started practising the grand style for which he would become famous, hoping to impress his correspondents, especially the long-admired Turgenev. As James thought of Balzac’s correspondence, his own earlier letters belong to literature, but they also constitute a powerful self-portrait.

 

 

 

 

Alexandra Schamel (Dr, Munich)

Writing as healing? First letters and the wounded person in Laclos, Les liaisons dangereuses

My talk examines Laclos’s epistolary novel Les liaisons dangereuses and the ways it interferes with the documentary concept of sensibilité by deliberately creating dynamics of semantic darkness, contributing to the creation of the new paradigm of the modern unreadable subject in the second half of the eighteenth century. Semantic darkness, building on Coelen’s concept of obscurité, implies the impenetrable otherness of the subject and constitutes its persona. I propose that obscurité is implemented in the first letters between the protagonists, Mertueil and Valmont, which expose their deep wounds that deliver irrational intentions like passionate love and powerful revenge. These desires, articulating the willingness to become “whole,” are highly artistic forces of signification, thereby creating reality. The wound, an ineffable source of otherness evoking the Derridean abyme, thus carries a semiotic dimension and structural potency; paradoxically it seeks healing through supplemental signification, initiating the writing-process and engendering the whole letter-corpus.

My talk illustrates how the first letters empower the metaphoric network of the wound as a catalyst for producing a new notion of the subject. The wound metaphor is echoed throughout the book at decisive turns in the plot in order to further elaborate the discourse of the persona, which contrasts to the agonizing homme / femme sensible. I examine Valmont’s killing through a deadly wound (IV, 163) and Merteuil’s denouncement through her wounds of variola (IV, 172, 173). These considerations raise two questions: first, how the discourse of the body underpins the processing of personal otherness initiated in the first letters, and second, to what extent Laclos finally metaphorizes a social diagnosis in pre-revolutionary France, suggesting that the wound of unrespected otherness of the human subject is about to surface in the body public and reveal its need to be healed by an adequate anthropological sign, that of being a free person.

 

 

 

Angelos Triantafyllou (Dr, Versailles)

Lettres de voyance : les manifestes épistolaires de Rimbaud à Paul Demeny

Les premières lettres que Rimbaud envoie au jeune poète Paul Demeny le 17 avril et le 15 mai 1871 marquent un tournant non seulement pour sa naissante alors épistolographie, mais surtout pour son œuvre poétique. Si elles ne sont pas les toutes premières de Rimbaud,  elles sont les premières - quoiqu’apparemment précédées par d’autres perdues - adressées à un poète qui eut été aussi un ami : les quelques lettres qui leur précédèrent étaient destinées soit à son professeur de lycée, soit à des grands poètes qu’il ne connaissait pas personnellement ; quant aux lettres à un autre ami poète, Paul Verlaine, à jamais détruites, seront dans un tout autre registre. C’est pourquoi les lettres à Demeny témoignent donc du ton particulier d’un poète qui est en train de naître, à la fois sérieux mais insouciant, spirituel mais non recherché, érudit mais spontané, qui est celui de l’amitié, et qui est commun à une génération de poètes.

 

L’importance de ces lettres tient à leur construction et à leur contenu. Faisant encore partie de la « poésie épistolaire » (que Rimbaud abandonnera bientôt), elles peuvent être différemment appréciées selon qu’on y perçoit une structure « factice », un caractère « hétérodoxe », ou au contraire que l’on les traite comme des ébauches de « manifestes » illustrés par « quelque poésie d’actualité ». 

Cette série de lettres, dont celle dite « du voyant », esquissera ni plus ni moins la poétique et la politique  que Rimbaud développera en vers et en prose (l’alchimie du verbe, le rêve, la modernité, le goût de la contradiction)  mais aussi en actions tout le long de sa vie d’écrivain, et même au-delà, dans sa vie d’aventurier. Cette lettre-manifeste, avec son humour, ses images, son refus d’interpréter, influencera toute la poésie française jusqu’aux surréalistes, si bien que l’art d’écrire des lettres s’apparente à une sorte de voyance, à une sorte d’étape préparatoire pour l’action et pour la poésie objective. 

 

Bibliographie séléctive :

Arthur Rimbaud, Œuvres Complètes, Gallimard (Bibl. de la Pléiade), 2009 ; Correspondance, Fayard, 2007

Guyaux, A. 2011. Rimbaud poète épistolier. In Hovasse, J. (Ed.), Correspondance et poésie. Presses universitaires de Rennes.

 

 

 

 

Kimberley Page-Jones (MCF UBO)

« Over what place does the Moon hang to your eye, my dearest Sara?» : Pérégrination des premières lettres de Coleridge à Sara

La première lettre que le poète et penseur romantique anglais S.T. Coleridge adresse à son épouse, Sara, est également la première qu’il écrit loin de sa terre natale. Le 16 septembre 1798, Coleridge quitte Yarmouth pour l’Allemagne en compagnie de William et Dorothy Wordsworth. Ces premières lettres, écrites du continent et adressées à sa femme et à son ami Tom Poole, ont une place significative dans l’œuvre journalistique et littéraire de Coleridge. Elles marquent en premier lieu le déploiement d’une écriture que nous pouvons qualifier de « pérégrine », une écriture qui épouse, dans un jeu d’entrelacs, les mouvements des objets naturels et de la pensée. Ces premières lettres possèdent en outre une charge poétique qui semble compenser une production littéraire moindre ; lorsqu’il quitte l’Angleterre, la « grande » œuvre poétique est derrière lui – ses poèmes causeries et sa trilogie fantastique – toutefois, le monde sensible est toujours une source féconde de poésie. Le monde naturel investit donc ses premières lettres d’Allemagne par un jeu d’écriture entre la notation sur le vif dans le carnet et l’étoffement de la note par l’adresse à l’autre.

A qui néanmoins Coleridge écrit-il ces premières lettres ?

La question peut se poser en effet dans la mesure où ces premières lettres resurgissent dans le périodique The Friend qu’il dirige pendant deux ans (1809-1810) puis dans son autobiographie littéraire Biographia Literaria (1817). La première lettre néanmoins n’est plus celle de Coleridge à Sara mais celle d’un vieil ami de Coleridge, Satyrane, à Coleridge lui-même ; ou, en d’autres termes, celle de Coleridge s’inventant un alter ego littéraire à Coleridge lui-même, créant ainsi une forme de vertige tautologique. Cette communication a donc pour ambition, non seulement d’interroger la fonction de la première lettre dans le déploiement d’une prose poétique, mais également de comprendre ce qui motive le processus de révision, voire de recyclage, de ces premières lettres et la manière dont elles s’insèrent, bien curieusement, dans The Friend (1809) et dans Biographia Literaria.

 

Bibliographie sélective :

 

Coleridge, S.T.,  Biographia Literaria or Biographical Sketches of My Literary Life and Opinions [1817], George Watson (ed.), Everyman’s Library, London, 1991.

Coleridge, S.T., The Collected Letters of Samuel Taylor Coleridge (6 vols), Earl Leslie Griggs (ed.), Oxford, Clarendon Press, 1957-71.

Coleridge, S.T., Friend I: The Friend. A Series of Essays, to Aid in the Formation of Fixed Principles in Politics, Morals and Religion [1812], George Bell and Sons, 1904.

Coleridge, S.T., Friend II: The Friend. A Series of Essays in three volumes, to Aid in the Formation of Fixed Principles in Politics, Morals and Religion, vol. II, London, Rest Fenner, 1818.

Coleridge, S.T., The Notebooks of Samuel Taylor Coleridge, Kathleen Coburn & Anthony John Harding (ed.), London, Routledge & Kegan Paul, “Bollingen Series”

Volume 1 : 1794 – 1804, Text and Notes, 1957.

Volume 2 : 1804 – 1808, Text and Notes, 1963.

Merleau-Ponty, Maurice, Phénoménologie de la perception, Gallimard, Paris, 1945.

                        - Le visible et l’invisible, Paris, Gallimard, 1964.

Wordsworth Dorothy, The continental journals 1798 – 1820, Helen Boden (ed.), Bristol, Thoemmes Press, 1995

 

 

 

Pierre Dufief

« Aux origines d’une fraternité de substitution : les débuts de l’échange épistolaire Goncourt/Daudet »

Les premières lettres de la correspondance Goncourt/Daudet orchestrent les thèmes du futur échange et instituent un rapport amical durable.

 

 

 

Yann Mortelette

"Les lettres d'enfance et d'adolescence de José-Maria de Heredia"

 

Il s’agira de comprendre comment les premières lettres de Heredia lui ont permis de se forger un style et quels liens elles entretiennent avec son œuvre poétique à venir.

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